CONTEXTE
L’œuvre illustre un épisode tragique de l’histoire de la marine française : le naufrage de la frégate Méduse en 1816.
En 1815, le Sénégal est restitué à la France par l’Angleterre. Le 17 juin 1816, une flotille appareille de l’île d’Aix sous les ordres du commandant Hugues Duroy de Chaumaray. La Méduse échoue sur le banc d’Arguin, à 160 km de la côte mauritanienne. Les naufragés repartent, divisés en 3 groupes :
17 marins qui restent à bord et dont seulement 3 survivront
233 passagers sur 6 canots et chaloupes
149 marins et soldats entassés sur le radeau.
Au bout de 13 jours, le radeau est repéré par l’Argus alors qu’il ne reste plus que 15 rescapés, suspectés de cannibalisme. 5 meurent encore dans les jours qui suivent. Au total, le naufrage a abouti à la mort de plus de 150 personnes.
DESCRIPTION et ANALYSE
Géricault commence son tableau alors que les révélations des survivants ont un retentissement considérable.
C’est un sujet provocateur, pour prouver son talent et se faire reconnaître par le grand public.
C’est aussi une prise de position contre l’Etat monarchiste qui a voulu étouffer l’affaire.
C’est une œuvre réaliste, quasiment journalistique, d’inspiration romantique, traitant de la vie et de la mort, de l’espoir et du désespoir.
Le tableau a été présenté au Salon de 1819.
THEME
L’artiste choisit un moment proche du dénouement, lorsque les survivants aperçoivent l’Argus à l’horizon, par un temps d’orage (la lumière crue est celle du court instant où s’abat l’éclair).
Composition et construction
Il n’y a pas de symétrie mais un désordre volontaire. La structure pyramidale est placée sur une base instable (la mer).
Au 1er plan le radeau, au 2ème plan le paysage déchaîné.
Une ligne ascendante part du cadavre en bas à gauche pour aboutir au marin qui agite un linge en direction du navire salvateur, c’est une ligne qui permet de « lire » le tableau et de comprendre son sens en passant du désespoir à l’espoir. C’est un homme noir qui est au sommet de la pyramide humaine,
Géricault a diminué progressivement la taille du bateau salvateur qui est finalement réduit à un tout petit point à peine suggéré. Les voiles du radeau sont gonflées par un vent qui le pousse vers la gauche, soit à l’opposé de l’Argus.
Espace
L’espace est construit avec peu de profondeur mais du relief. Pas de point de fuite, cadrage frontal ou en plan rapproché. C’est un espace théâtral. L’angle du radeau étant coupé, il est à l’avant plan, permettant ainsi de faire entrer le spectateur sur le bord inférieur du radeau, dans une toile immense, à son échelle.
Lumière et couleurs
La palette des couleurs est réduite, du noir au beige, atmosphère générale de tons chauds donnant une impression de détresse. Le mauvais vieillissement des pigments a foncé la toile.
Les expressions de peur, d’angoisse, d’agonie ou d’espoir dans les gestuelles et sur les visages sont renforcées par les contrastes forts d’ombre et de lumière. Géricault a choisi un temps orageux et l’instant bref et précis au cours duquel l’éclair s’abat pour utiliser cette lumière crue à des fins expressives.
Technique
Couche de peinture épaisse, traces de grattage par endroits, donnent le sens du mouvement.
Détails et anecdotes
Eugène Delacroix, artiste peintre et ami de Géricault, est le modèle d’un des personnages (le mort au premier plan, bras gauche étendu).
Géricault a tenté en vain de leur dessiner des pieds, comme le montre une étude du tableau au rayon X.
ANALYSE
Géricault a mené une véritable enquête pour être au plus près de la réalité mais il s’en éloigne pour accentuer le tragique de la situation et donner un caractère plus romantique que réaliste. Exemples : l’homme noir à le dos musclé après 12 jours de famine ! Les cadavres ont une peau pâle, sans marques violettes signes de décomposition. Les personnages semblent rasés. Dans les faits, la mer était calme, le ciel dégagé : ici c’est l’orage.
=> le Romantisme s’oppose au néoclassicisme et exacerbe les sentiments par des sujets dramatiques ou peu communs (aliénés par exemple), des couleurs contrastées (souvent sombres et des teintes ocres et rouges), des compositions mettant en jeu tension et puissance, des contours peu nets.
Astérix légionnaire, BD Uderzo et Goscinny
Dans cette case de BD, la composition de Géricault est reprise (position et nombre de personnages). Le désespoir du personnage au 1er plan est tourné en dérision puisque le chef des pirates est dépité après chaque rencontre avec les gaulois.
=> Cette référence claire à l’œuvre de Géricault permet de ridiculiser la déroute des pirates face au tragique de la scène d’origine.