Si je mourais là-bas…
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
30 janvier 1915, Nîmes.
L a nuit descend
O n y pressent
U n long destin de sang
Guillaume Apollinaire
Le CARTEL= informations sur l’œuvre Nom de l’artiste Otto DIX peintre allemand (1891-1969) Titre de l’œuvre La guerre Date 1929-1932 Technique tempera sur panneaux de bois, triptyque avec prédelle Dimensions - panneau central 204 x 204 cm - panneaux latéraux 204 x 102cm - prédelle 60 x 204cm Lieu de conservation Dresde, Allemagne |
Le CARTEL= informations sur l’œuvre
Nom de l’artiste Guillaume APOLLINAIRE poète et écrivain français (1880-1918) Titre de l’œuvre « Si je mourais là-bas… » Poèmes à Lou, d'abord intitulé Ombre de mon amour Date 1915, publication posthume 1947 Forme recueil de poèmes Ré interprétation À l'exception du 4ème couplet, il fut mis en musique et chanté pour la première fois en 1967 sur l'album Maria par Jean FERRAT. |
CONTEXTE = événements Otto Dix et Guillaume Apollinaire ont tous les deux été volontaires et ont participé à la guerre. Dix était mitrailleur sur le front. Apollinaire est blessé et meurt peu après. Ils ont été témoins directs de la guerre. Mais la création a lieu pendant la guerre pour le poème, après la guerre pour la peinture et de nombreuses années après pour la mise en chanson du poème. |
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DESCRIPTION (ce que l'on voit) et ANALYSE (ce que l'on comprend)
Panneau de gauche : des soldats armés, de dos, sont dans le brouillard et partent au combat, lumière rasante venant de droite comme lueur du matin. Panneau central : scène de combats, soldats masqués, squelette, bourbier, ruines en arrière plan dues aux bombardements. Panneau de droite : un soldat tient le corps sans vie d’un compagnon, soldats masqués au sol, arrière plan rouge et sombre en forme de spirale, fin de journée. Prédelle (partie du bas) : la mort, personnages étendus, gisants sous une toile, comme dans un cercueil.
=> L’œuvre en 4 parties se lit de gauche à droite et de haut en bas. Elle suit le cheminement d’un journée, comme si toutes les journées des soldats se déroulaient de façon immuable, avec la mort pour seule fin. C’est une vision sombre et dramatique de la 1ère guerre mondiale, qui, à travers lumière et couleurs, en montre l’horreur avec réalisme (détails) et froideur (recul dû au temps passé entre l’événement et la création). |
DESCRIPTION (ce qu'on lit) et ANALYSE (ce que l'on comprend)
Le texte est extraits d’un ensemble de poèmes écrits pour Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, dont le poète est amoureux.
Poème en alexandrins (12 syllabes par vers), de 5 quintils (strophes de 5 vers) et un alexandrin seul. Cela ressemble dans la forme, à une lettre. Il y a un destinataire « Lou » et un échange « tu, je ».
Les champs lexicaux : - de l’amour bien-aimée rougirais seins amour L’amant corps bonheur heureuse - de la guerre front obus l’armée - de la mort meurt, sang, ne vieillirais point, fatal, oublie se mêlent pour montrer espoir et drame. Il mélange présent et conditionnel : réalité et rêve.
Apollinaire tresse plusieurs émotions, plusieurs domaines qui n’ont rien de commun mais qu’il vit simultanément, les rimes les rassemblent :l’armée bien-aimée, meurt fleur, sanglants galants |
=> Dix montre une réalité vécue, froide, tragique alors qu’Apollinaire fait se rejoindre le drame de la guerre et le bonheur amoureux si opposés.